Notes de Route

Lalung La pass (5050m)

Dans le fond, le toit du monde l'Everest, le Cho Oyu et le Makalu

28.04.07  Après tous les posters panoramiques dans les bouibouis du Népal affichant la photo pixellisée, recolorée du Potala, je pars le voir en vrai.
Mais pour obtenir un visa pour le Tibet, il faut passer par une agence et voyager en groupe ( voyage organisé). Pour le meilleur, le "groupe" se compose de 3 personnes; Erik, Tchèque et Zoltan, Slovaque, qui se chamaillent comme Flamand et Wallon, et moi.

Notre guide tibétain, Pempa, nous attend à Xangmu, la frontière népalo/chinoise dans un Landcruiser rutilant (Zoltan est agent de voyages à Bratislava et doit être a V.I.P.). L'intérieur ressemble à un salon, moquette tigrée sur les sièges et au sol, et télévision par toutes les fenêtres.

La route allant de la frontière népalaise à Lhassa, la Friendship Highway, est mythique. Elle traverse le Toit du monde avec 3 cols au-delà de 5000m. 1er arrêt à Nyalam (3750m). Surprise, surprise, on fait chambre à 3. Chacun se blottit dans son sac de couchage, la température de la chambre descendant vers zéro degré, sans autre chauffage que la slivovica, un alcool de prune fait maison, du klobasa, un salami slovaque, et du pain de mie importé de là-bas. J'aime ce genre de voyage organisé.

29.04.07 Nyalam 

Il y un code de conduite à respecter au Tibet:
√ ne pas sortir nos images du Dalai Lama,
√ ne pas aborder avec les Tibétains les questions sino/tibétaines
√ ne pas prendre part à un enterrement céleste (un encièlement?): le corps du défunt est dépecé, les os sont broyés et les morceaux sont donnés aux vautours (je n'ai pas insisté).

La route progresse horizontalement et verticalement, nous envoyant sentir le souffle glacé de l'Himalaya aux cols de Lalung La à 5050m et de Tong La à 5200m (3850 m de dénivelé depuis Katmandou). Je revis l'ascension du Thorung La, assise dans une jeep tout confort cette fois-ci. Les arbres disparaissent petit à petit pour laisser place à un immense plateau désertique, rocailleux. Là haut, les drapeaux de prières touchent le ciel et murmurent les mantras sacrés aux 4 vents. Chaque drapeau est comme un satellite dispersant des messages dans l'espace.

Des paysages immenses couleur terre brûlée et gris cendré s'ouvrent à l'infini dominés par les superlatifs des sommets, l'Everest, (8848m-n°1), le Lhotse (8516m-n°4), le Makalu (8485m-n°5) et le Cho Oyu (8188m-n°6). On croise, sans la prendre, la piste qui rejoint le camp de base de l'Everest, du côté face nord. 

Tingri Les marchands de sel et de laine fréquentaient autrefois cet axe Inde-Chine. On s'arrête dans un caravansérail pour un petit thé salé au beurre de yak. Des banquettes sont arrangées autour du poêle qui carbure aux bouses de yak séchées. Et le saviez vous? Les crottes de yak valent beaucoup plus comme combustible que les crottes de vache (yak 10 Yuans le sac, vache 4 Yuans le sac). Le yak ne se nourrit que du bon herbage des hauts pâturages alors que les vaches ont tendance à manger tout ce qu'elles trouvent y compris le plastic et cela ne sent pas si bon lorsque cela brûle.

30.04.07 Lhatse-Shigatse

Les Tchèques utilisent 10 mots quand les Anglais en utilisent 1! Et ils gardent cette habitude quand ils parlent en anglais. Une tchatche de slameur rythme mon parcours nomade;  filles, bière, un boulot de car washeur en Australie pour apprendre l'anglais, un souvenir tatou de Nouvelle Zélande, des questions, des projets, les voyages, le chez-soi,... .

02.05.07 Gyantse, Gyantse est surplombée par un fort qui veille sur l'ensemble de la ville. Il y a un mémorial anti-british dans le fort, les Anglais ayant attaqué Gyantse en 1904, mais pas un mot sur l'invasion des Chinois au Tibet (Oups mon code de conduite).

J'ai depuis aujourd'hui une chambre à moi dans un hôtel typiquement chinois (= carrelages, thermos, sandales en plastic au pied du lit, set brosse à dents, peigne, petits shampoings et télévision avec 150 chaînes). Je me gave de galettes de riz sucrées-salées en regardant le championnat du monde de snooker commenté en chinois (passionnant ... mais pas besoin de mots pour comprendre le déroulement) ... jusqu'à la coupure d'électricité à 10h du soir.

La route Sud continue vers les cols de Karo-La (5200m) et de Kamba La (4900m). Le ruban asphalté se déroule en un lacet qui, vu de haut, a des airs de muraille de Chine. Au détour d'un virage apparaît un petit lac artificiel  incroyablement beau d'une couleur verte laiteuse avec au centre une maison de pierre abandonnée qui surplombe un piton rocheux. Notre jeep va ensuite longer le Yamdrok Tso, un lac si haut (4400m) aux eaux turquoises alimenté par la neige fondue des hautes montagnes.

Il n'est pas permis de faire des photos à l'intérieur des monastères. je perds mes moyens de capturer les souvenirs mais il s'agit en résumé des + grands gompas, des + anciens, des + importants, des fresques les + riches.

	Le Tashilumpo à Shigatse: résidence et tombe-stupas des panchen-lamas. Abrite une statue du Bouddha du futur de 26m h, le + grand du pays		Gyantse: le style est à la fois népalais, tibétain, chinois. Le + patiné.
	Le Jokhang à Lhassa. Le temple le + ancien du Tibet et le + sacré du pays.		Drepung: le + grand centre monastique du Tibet. Peuplé autrefois de 10000 habitants.
	Norbulingka: le Palais d'été. La porte par laquelle le Dalai Lama s'est enfoui en 1959.		Le Potala: le + monumental. Résidence du Dalai Lama, de son entourage et d'une vaste communauté monastique.

03.05.07 Lhassa  Jugeant les buildings aux vitres bleus, les éclairages en forme de palmiers rococos, les grandes esplanades carrelées, les monuments démesurés à la gloire du Parti, les shows sons/lumières/jets d'eau face au Potala, la cité n'est plus interdite et les Chinois ont bel et bien gagné le contrôle esthétique de la ville.

Mais autour du Jokhang, le + vieux monastère de la ville, le sentiment de ferveur bouddhiste est si puissant que Lhassa semble intouchable. Les pèlerins de tous les recoins du Tibet, les nomades venus de loin, les moines,... déambulent incessamment. Ils accomplissent les cercles sacrés (Barkhor) en faisant tourner leurs moulins de prières ou se prosternent en faisant claquer des plaques de bois sur le sol. Les offrandes d'encens et de genévrier brûlent et dégagent des murs de volutes qui enveloppent le monastère. Et cette intensité spirituelle des Tibétains fait que Lhassa n'est pas un Las Vegas à la chinoise.

Visages du Barkhor:

Au retour, le vent et Air China me mènent au-dessus des géants himalayens, le Kachenjunga (8586m - n°3), l'Everest et le Makalu. Mon horizon népalo-tibétain n'aura eu pour limite que la démesure de 8 des 10 + hauts pics du monde. Combien de personnes ont un jour la chance de peindre la couleur de leur rêve. Ce voyage, là où les sommets sidéraux et le ciel se rencontrent, a la couleur de mes rêves. 

Pour les questions relatives à la situation tibétaine: voir la note de route 100 Dharamsala 

Cat tingting, reporter au Tibet, 5.5.07