Note 39 Transsibérien
|
Note
39 : Vertige à l’horizontal
05.07.04
On the road again vers l’Asie… mais sans voiture cette
fois-ci, la Chine est trop difficilement traversable en
solo, à cause des formalités et du prix à payer.
L'odyssée se poursuit donc avec les moyens de
transports publics.
Dominique
me dépose à l’aéroport de Bruxelles, là où 3 mois plus
tôt on s'est retrouvées à mon retour d'Amérique Latine.
On se donne RV : Même endroit, même heure, dans un
an. Et
me voilà repartie dans l’avion vers Moscou pour
rejoindre le départ du train de tous les rêves, de
toutes les bourlingues, le
Transsibérien.
06.07.04 Une journée à
Moscou
|
|
A
priori, la Russie, c'est la queue interminable au
Consulat pour avoir le visa, l'invitation, les
fonctionnaires rogues, l'écriture
incompréhensible. Seule note de couleur dans la
grisaille ambiante, le bleu pétant d'un méga IKEA
dans les faubourgs de Moscou. Il faut sûrement
beaucoup plus qu'une journée pour apprécier ce
pays. A l'aéroport, je rencontre un Sibérien qui
vit aux States qui m'accompagne jusqu'à la gare
pour déposer mes affaires et ensuite de la gare à
la Place Rouge en métro. Les stations de métro
sont aussi fastueuses que les galeries Lafayette,
avec lustres en cristal, vitraux. Incapable de
lire le cyrillique, je demande mon chemin à des
gens qui m'ignorent complètement. Finalement, ce
sont des sourds-muets qui vont me renseigner,
moi-même agitant les bras dans tous les sens avec
mon petit plan de métro en main. Je vais flâner
sous les clochers de la Cathédrale St Basil en
fredonnant Gilbert Bécaud et faire le tour de la
muraille du Kremlin. |
06.07.04.
Gare de Yaroslavski. Km 0. Train
4 Moscou-Pékin Départ 21.32h. Wagon
7. Couchette 31. Moscou - Oulan Batar 107
heures.
|
"
Vous
savez pourquoi le Transsibérien fait un détour en
plein milieu de la Sibérie ? Parce que quand le
tsar Alexandre III a fait la ligne qui devait
traverser la Sibérie, il y avait son doigt qui
dépassait." -
Extrait de Et la tendresse
bordel. |
Le Transsibérien est une ville sur roues: des
centaines de passagers, des dizaines d'employés, les
gens s'installent pour 5 à 7 jours, avec des montagnes
de bagages, les plats préparés, les paquets de pains et
les filets de fruits.
Il y
a 4 couchettes dans notre compartiment 2e classe que
je
partage avec Delger et Anon, 2 jeunes mongoles qui
vivent à Moscou et qui rentrent dans leur pays pour les
vacances. Gelder est étudiante en Sciences Économiques à
Moscou, parle anglais, russe, mongol et un peu le
français. Elles m'offrent tout au long du trajet des
boulettes, du pain, des concombres, fromages,
saucissons, biscuits russes, mandarines, que leurs
parents leur ont préparé. Il y a un chauffe-eau en fin de
wagon qui distribue de l'eau bouillante pour le thé, les
nouilles chinoises... on feuillette des Voici de là bas
avec des Britney Spears locales et autres poupées
russes.
En journée,
je lis "Le Maître et la Marguerite" de Michael Boulgakov
et j'ai pris des livres de 1000 pages pour tuer le temps
pendant l'interminable traversée de la forêt
sibérienne. Au km 1777, on fête le passage de
l’Europe à l’Asie. Bercée par le rythme
lancinant du train, je dors beaucoup les deux premiers
jours et beaucoup moins voire pas du tout les 2
dernières nuits (voir en dessous).
Des
marchandes arpentent les quais des gares pour récolter
qq kopecks en échange de colifichets, fraises, glaces et
vodka. Les
visages se font progressivement plus
asiatiques. On
peut acheter du poisson fumé du Lac
Baikal.
4e
jour, alors que la voie du Transsibérien va en direction
de Vladivostok, nous commençons à descendre vers Oulan
Oude, la capitale du bouddhisme russe. La voie contourne
à présent le Lac Baikal. Autrefois, la ligne
franchissait la partie étroite du lac sur des ponts de
bois. Un jour, un d’eux s’effondra sous le poids du
convoi.
Le
train vit à l'heure de Moscou malgré 5 changements
horaires. A Irkutsk, le train devient bondé de
backpackers qui se rendent au Naadam, la fête nat en
Mongolie. Pour eux, c'est déjà le matin, pour nous la
pleine nuit. Cela rend ma nuit ou ma journée, euh je ne
sais plus finalement,
anachronique.
Les lumières ne s'éteignent pas, les
conversations non plus. De nuit, c'est rude, au moins autant que le
matelas de la couchette. Le lendemain, on reste bloqué 5
heures à la frontière russe. Un vent de panique souffle
dans le wagon, il fallait remplir un déclaration de
douane à l'arrivée indiquant les montants d'argent
entrant et les valeurs. Le surplus est susceptible
d'être confisqué. Je planque mes dollars au mieux, mon
estomac se tord dans tous les sens pour mon laptop. Les
méthodes des douaniers russes sont rudes, on est enfermé
dans le wagon sans pouvoir ouvrir les fenêtres le temps
du contrôle, les toilettes sont fermées, il fait plus de
30 °. On apprendra qu'un jeune violoniste de 16 ans qui
parcoure la Chine avec ses parents s'est fait confisquer
son violon, considéré comme oeuvre d'art. On repart
après 5 heures d'attente pour arriver
1/2 heure + tard à la frontière mongole. Rebelote
pour les formalités, + cool cette fois. Il est 3.30h du
matin, il nous reste 4 heures à dormir avant d'arriver.
Gelder me secoue à 7 h. du mat, on approche d'Oulan
Batar.
Par la fenêtre, la
vision des steppes, des hautes plaines, et un ciel
bleu démesuré.
11.07.04 Je
descends du train à 8.30h pour sauter dans un taxi pour
aller au Naadam. Assise dans le stade, au loin les
4 montagnes qui entourent Oulan Batar, la musique des
bénédictions psalmodiées par les arbitres, de grandes
banderoles bleues et rouges flottant dans le vent,
les lutteurs entrent en piste en faisant qq petits pas
de danse, je me sens vraiment dans
un
autre monde.
Je
pars demain pour 3 semaines dans les steppes en
jeep-bus-russe avec un groupe rencontré dans le
train.
Catherine,
Oulan Batar, le
15.07.04.
|