Il n'y a pas un mm du monde qui ne soit savoureux.
- Jean Giono
 
     
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Notes d'Asie

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Notes Inde

Note 61 Inde/ Goa Hippie youppie

9.01.05 Après les joies du voyage à plusieurs, mon prozac, c'est Goa et la vie en communauté. Je prends le train ultra rapide qui relie Delhi à Goa en 26h. Dans notre compartiment "touriste", Jimmy un américain qui vit en Inde, ex-moine, il organise les déplacements du Dalaï Lama et Eyleen et Tommy, 2 quinquas fraîchement débarqués de leur douche écossaise qui font des bonds de joie à chaque station en vénérant le soleil. Ils sont tous en recherche de spiritualité et mangent en position du lotus les repas végétariens servis dans le train jusqu'à peut plus. 

10.01.05-21.01.05 Goa-Benaulim Il y a une kyrielle de plages à Goa, où est mon petit coin paradisiaque entre les rave parties de Vagator ou Anjuna, les huttes de bambou à Palolem, le calme de Benaulim,... Anna et Tom (All.), à moto, Eyleen, Tommy, Jim, tous sont multi-récidivistes à Benaulim, un village de pêcheurs, 10 km de ligne droite de sable fin, d'espaces sauvages et tranquilles.

Je marche beaucoup, c'est l'été indien tatatam ¯... sur une plage un peu comme celle-ci ... ¯on ira où tu voudras, quand tu voudras... ¯toute la vie sera pareille à ce matin ... aux couleurs de l'été indien ¯. Il fait beau, pas étouffant, une bonne brise souffle... le sable est doux, la mer chaude. Il y a qq vaches qui se baladent nonchalamment et un défilé de vendeurs de paréos et de bricoles déjà vues juste pour me rappeler que je suis toujours bien en Inde. Je regarde toutefois l'horizon avec l'angoisse qu'un tsunami n'avale la plage dans ses abysses.

Friends: Nadia et Vinod, elle est belge et il est indien, ils ont un petit garçon Surya. Elle, "elle l'a fait": ouvrir sa guesthouse (Hotel Ragini à Naggar dans le Nord). Ils tiennent une gargote sur la plage, le Hawaï Beach Cafe, font une grande table où on mange du poisson et des salades grecques. Jon, il a quitté la grisaille de l'Angleterre et sillonne Goa sur sa vespa. Il connaît par cœur les vendeuses de plage "Remember me?", Mr Cashewnut, Mr Peanuts qui n'ont pas 10 ans et dit qu'à force d'avoir vu le spectacle de la petite funambule ambulante, il pourrait marcher sur la corde (ce qui enverrait illico in-the-air, les pauvres pas plus grosses qu'un crayon qui en tiennent les 2 bouts). Danny, anglais, polyglotte, il parle le français avec l'accent de Marseille et le néerlandais. Il s'occupe des platines et passe du Marvin Gaye ou James Brown bien bluesant. Didier, un frenchie, blondi et buriné par le soleil, qui fait planer ses cerfs-volants et jongle avec le feu. Sandra et Andréa, 2 suisses, qui passaient par là, et qui n'ont pas dit non à un "hep, les filles, venez goûter la bière et les lasagnes". Ce n'est pas vraiment l'Inde mais c'est la dolce vita. On s'assied face au soleil qui se couche, un spectacle qui fascine toujours et toujours, la soirée se prolonge tard dans la nuit. Didier retrace la carte du monde "rose", les sociétés matriarcales où les femmes tombent les mâles pour ngolo ngolo dans la case, les plages de gigolos pour Catherinettes sur le tard genre Abs Fab et les hétéros dreadlockés qui grattent la guitare et plaisent aux filles... Et on contemple la lune qui s'élève au milieu de la voûte céleste. Je partage ma chambre avec une grenouille "il vous tient compagnie", me dit Mme D. Souza de la pension de famille. Je n'ai pas eu le courage de tester si c'était my charming prince. 

Je pars en expédition (4 bus publics, extensibles à l'infini, il n'y a plus de places mais on s'entasse encore... avec les poules et les poissons, les juges et les journalistes ont priorité pour s'asseoir mais je doute qu'ils prennent ce genre de bus...) sur les marchés. 
- Le marché aux puces d'Anjuna où les hippies venaient dans la période mythique échanger leur fouf, jeans et pataugas, pour se faire qq roupies de sansonnet. Ils sont toujours là et confectionnent des fringues HYPE et le marché est complètement envahi par les boutiques ultra baba cool. Je m'assieds pour manger un gâteau à la carotte, je suis entre 2 stands de substances hallucinogènes où viennent se fournir qq junkies qui ont l'air de faire de mauvais voyages
- Le marché de Mapusa où plane la véritable âme de Goa au milieu des marchands d'épices, des ferblantiers, des bijoutiers, des merceries, des tas de piments, des montagnes de bananes.

Avec la flânerie et les résolutions 2005, je me trouve face à la question à 1 roupie "Ca va être difficile le retour?" que j'éludais par un vague "ce n'est pas tout de suite...", je réalise qu'il ne reste que qq mois de cette tournée de la petite planète, le temps passe comme ouf. Je ne veux pas sortir de mon rêve. Cela me dope pour les mois à venir.

A lire sur la plage: Vacances indiennes, de W. Sutcliffe. Désopilant, un "routard-movie", lui tout l'insupporte sauf les plages du Kérala pendant qu'elle, elle se défonce au lassi (yoghourt) et se prend pour Mère Térésa.

D. Souza Guesthouse, Goa, Benaulim, 21 janvier 2005.


Note 62 Inde/Karnataka Hampi 

22.01.05-26.01.05 Hampi Un minuscule village, sans voitures, dans un chaos minéral étonnant, de grosses pierres qui s'amoncellent les unes sur les autres et des temples à chaque recoin. C'était autrefois une vaste et ancienne cité royale.

Goan Corner Je dors "de l'autre côté", cad de la rivière, que je traverse dans un demi pamplemousse évidé en bambou goudronné, en équilibre avec mes sacs à dos, à ventre et à côté, + un trentaine de personnes, 2 vélos, ... Le Goan Corner est complet mais sa patronne m'invite, si je veux, à dormir sur sa terrasse sur le toit avec un matelas et une moustiquaire. Le plafond de la chambre, le ciel et les palmiers, sky is the limit. La vue, les rizières, les palmeraies, les ghats, le Virupaksha Temple et le Bazaar. Le matin, les rayons du soleil me chatouillent le nez et le soir, je regarde les temples et les roches rouges se confondre et s'embraser dans une lumière totalement apaisante. Le lendemain une hutte se libère mais je reviens dormir ici la nuit de pleine lune. La patronne du Goan Corner, Sharmila, est un personnage hors du commun! Elle trône dans son restaurant et laisse éclater à chaque seconde un énorme rire tonitruant. Elle gère 35 huttes et tout un petit monde à qui elle donne des surnoms (je suis Miss Rooftop), qui ne décolle plus de chez elle tellement on s'y sent bien. Il y a un groupe de grimpeurs, les fumeurs de pétards, les backpackers qui n'en finissent pas de raconter leur voyage et se défoulent de leurs galères en Inde. Je rencontre Jean (Fr) et Miguel (Port.) qui roulent en Enfield (moto), qu'ils ont achetée sur place. Ils se sont rencontrés au Brésil, toujours en moto, et donc je me mets moi aussi à disserter sur mes routes latino-américaines au volant de mon auto.

Je suis partie en vélo, cheveux au vent, musarder sur les petits chemins de Hampi, à la découverte des temples. Les pierres ont été utilisées pour leur construction, ils sont sculptés d'une infinité de dieux et déesses, de danseuses, d'animaux, de scènes de chasse ou guerrières... Ce qui fait aussi le charme d'Hampi c'est sa perpétuelle animation. Ce n'est pas une cité morte, la vie paysanne s'y déroule tout autour, mêlant leur quotidien aux splendeurs du temps passé. J'ai laissé mon vélo pour rejoindre dans une de ces nacelles un Dr indien qui vit à Sydney, de passage pour une conférence, Pam une canadienne et leur guide et aller voir le Vittala Temple (Patrimoine Unesco), mon préféré, un temple ludique avec des piliers musicaux. On tape sur le tambour d'une des apsaras et on en entend le son en collant son oreille au pilier, ou celui de la sitar, ou un son métallique, ...

Hampi, 26 janvier 2005


 

Note 63 Inde/Karnataka A la recherche du temple de Ganesh

Ma tante est architecte et a dessiné un petit hôpital et un temple à Halligudi pour l'association France-India Karnataka Hospital. Elle n'y a jamais mis les pieds et elle ne peut pas imaginer quand bien même elle l'a dessiné à quoi ressemble son temple à Ganesh. Je pars donc sur la trace des archis de bout du monde de ma tantine avec l'idée de lui envoyer une série de photos qui l'ameneront là-bas "depuis sa mignonne petite chambre dont l'horizon se clôt sur Felix Potin", comme elle dit. Mais où est Halligudi? Pas sur la carte. Elle me donne 2 indices, c'est dans le Karnataka, on peut s'y rendre apd Bangalore. Je prends mon billet de train pour Bangalore en me disant que je demanderai là. Mais sur Internet, je trouve la longitude et la latitude et avec une carte routière et un GPS, j'en déduis que c’est + près de Hampi que de Bangalore. Mais à Hampi, personne ne connaît et on me renvoie à Anegondi, à Lakkundi, bigoudis et tutti quanti… A force de demander, on me conduit chez le vieux libraire qui hourrah connaît le village, l’hôpital et même les fondateurs. 

26.01.05 Hampi Je pars à Hospet, la gare la + proche de Hampi, et là je prends un taxi pour Halli olé Gudi, à 75 km de là. Halligudi veut dire "ancien temple".

Je suis reçue par le Dr Hombannavar, qui suspend ses consultations à mon arrivée. Je lui explique que je suis de la famille de l'architecte et que j'aimerais visiter l'hôpital et le temple. Les 2 font partie d'un même ensemble. Il me laisse le temps de finir ses consultations avec un de ses assistants avec qui je traduis en anglais des posologies de médicaments qu’ils reçoivent en français … Le Dr Hombannavar partage son repas avec moi. Il me raconte que le fondateur, le Dr Mahesh, originaire d’Halligudi, vit à Paris. Il y a 3000 habitants à Halligudi et il y avait tellement de monde que la salle d'attente faisait office de place du village. Ils viennent de planter des arbres tout autour. Mais l'hôpital ne bénéficie pas de la visibilité d'une grande ville, me dit le Dr, et est peu à peu déserté par les patients.   Je visite le temple de Ganesh, c’est très beau, le sol, le plafond, la lumière joue entre les colonnes, Ganesh est paré de fleurs ... 

Mission accomplie. C’était une chouette ballade, en dehors de tout, des gens gentils et simplement simples, … 

Sur la route, des pèlerins ont décoré leurs boeufs et traversent par famille entière les villages en charrette pour rejoindre Khopal pour la fête de Jatra, une fête religieuse indoue, …  Le taxi s'y arrête pour que je puisse voir mais cela frise l'émeute, cela s'aggrave encore quand je prends des photos. Qq jours avant, il y a eu 260 morts lors d'une jatra dans le sud de Bombay, le soir de pleine lune où la frénésie religieuse atteint son paroxysme.

Halligudi, 27 janvier 2005.


 

Note 64 Inde/Karnataka Mysore-misères

28.01.05 Le Karnataka fait partie de l'Inde du Sud, différente du Nord, à l'atmosphère + relax, + moderne, + éduquée. Dans le train pour Bangalore (500km de Hampi), je rencontre des Indiens riches, 2 mots rarement ensemble, un businessman proche des Gandhi, qui nous livre des secrets d'alcôve et un directeur de marketing d'une boîte informatique de Bangalore. Bangalore, "la Silicon Valley, n°1 du développement de software et sous peu, l'Inde sera le première puissance économique mondiale, les compagnies étrangères étant massivement en train de s'installer", m'expliquent-ils dans leur version égo-nomique.

Je commence à me sentir mal, le masala (mélange d'épices) ne passe pas, ou au contraire trop bien, pour la 3e fois depuis que je suis en Inde je suis malade. Une armée de petits soldats est en train de se battre dans mon ventre prêt à exploser, mon corps n'est plus sous contrôle et je suis reliée à l'indian toilet du train toute la nuit. A Bangalore, je décide de ne pas rester et achète un billet de train pour Mysore à un guichet qui n'a rien de la Silicon Valley.

A Mysore-misère, les collants et usants taxis-rabatteurs-commissionnés me tombent dessus. Une fois le rickshaw prépayé (prepaid = contrôlé par la police), il me sort le laïus trop entendu de l'hôtel "pas-bien-et-trop-cher" qui-l'eu-cru, il programme le tour des shops de la ville pour me vendre tout ce dont je n'ai pas besoin et finalement après qq remises au point, demande plus que le prix convenu. Malade et au bord de la nausée, j'en perds ma zen attitude "you, bad, bad". 

Dans la rue, ledit développement économique de l'Inde ne semble pas servir la cause des plus pauvres. Des laissés-pour-compte avec les membres atrophiés par la lèpre, des boursouflures sur le corps, des guenilles sur le dos, sont étendus inertes effondrés. Ni améliorer la condition des femmes, silhouettes noires derrière leur burkha, leur prison d'étoffe.

Et au centre de Mysore, le Maharadjah indifférent possède un somptueux palais qui s'illumine de 97.000 ampoules le dimanche soir pour se transformer en château de la Belle au bois dormant d'un parc Disney décalé. Myriam, une jeune canadienne m'accoste, est-ce qu'elle peut marcher avec moi, elle est suivie par 2 indiens dont elle n'arrive pas à se débarrasser. A 2, on se sent + fortes.

Mysore c'est une ville d'odeurs, encens, bois de santal, huile de Lotus, safran.... Le marché en est un condensé avec le lilas et le jasmin qui s'amoncellent.

Prochaine étape: le Kérala et Cochin. Je prends un bus de nuit (12h), beurk je n'aime pas trop les routes indiennes, encore moins de nuit, mais pour le train, je dois retourner à Bangalore. Il fait noir dans le bus. A un moment, je sens qqchose dans ma nuque, le type de derrière est en train de me caresser le cou. Je l'arrête, il dodeline la tête comme les Indiens font. Mais plus tard, ce pervers pépère qui semble me prendre pour Sharon Stone dans Basic Instinct revient de l'autre côté dans mes côtes. Je frappe sa main cette fois-ci de toutes mes forces, avec l'énergie de ma peur, de mon dégoût, de mon ras-le-bol... Il n'y a que des hommes dans le bus et je ne sais pas si qq m'aiderait.  Quand la lumière s'allume, je le regarde fixement et dit en détachant chaque mot "DO NOT DO THAT ANYMORE". Il prend un air de chien battu et heureusement part s'asseoir à l'avant. Mais qui est en charge des codes de bonne conduite ici?

Chaque jour, je refais la liste des + et des - de ce pays, et la balance penche du mauvais côté.


Note 65 Inde/Kérala Cochin

Cochin est posée à fleur-d'eau dans un labyrinthe de lagunes reliées par des canaux. C'est l'Inde mélangée, portugaise, hollandaise, anglaise. Une ambiance shanti-shanti (tranquilou), coloniale, exotique, épicée, des odeurs de gingembre, poivre, cannelle s'échappent des entrepôts.  

01.02.05 D'Ernakulam, côté terre principale, je prends le ferry public avec le lever du soleil, 2,5 roupies (0,045€) pour l'îlot de Fort Cochin. Je pars à la recherche d'une guesthouse (GH). J'entends une voix "Are you looking for a room?". "Yes." Et voilà comment j'ai rencontré Subash qui chasse le backpacker dès 6h du matin pour remplir les 6 chambres blanches du Home Stay. Est-il l'envoyé d'une opération de reséduction de son pays? En tout cas, la conversation dépasse les usuelles questions where from-married-job-religion-age et il m'invite pour le petit déjeuner. Son histoire? Son père les a abandonné, sa mère, sa soeur et lui, quand il avait 9 ans et il travaille depuis tout jeune pour aider sa famille. Il n'a pas fini l'école mais a appris l'anglais avec un vieil avocat de Cochin et plonge son nez dans un dictionnaire des synonymes pendant ses temps libres. Il boulotte 24h/24 pour la GH et gagne 2500 Rs (45 €)/mois. Il a 28 ans et il est chrétien. Sa sœur a 26 ans, la limite d'âge pour se marier. Mais ils n'ont pas l'argent pour la dot. Il a pour objectif de marier sa soeur comme cela le futur époux subviendra aux besoins de sa mère vieillissante et sa sœur échappera au déshonneur. Ensuite, il aimerait étudier pour écrire comme journaliste ou être musicien. Durant la semaine, je découvre de nouveaux plats locaux (biryanis, currys, légumes....), et j'ai droit à du chai, des noix de coco, des ananas à volonté. J'apprends à manger avec les doigts, ma main droite est utilisée comme une petite cuillère et je fais glisser le riz dans ma bouche avec le pouce. Le chapathi est jeté dans la sauce et chiffonné pour attraper les aliments (pas facile pour la sauce). Sa maman lui apporte ses repas, essentiellement du riz avec du sambal, un mélange épicé et citronné. Elle a préparé des chapathis et un dal (lentilles) qui a un goût de mangues pour moi. Si elle et les 2 femmes d'ouvrage sont réquisitionnées pour éplucher les ananas, nettoyer les assiettes, elles ne sont pas invitées à se joindre à nous et mangent dans la cuisine. Mais Subash a besoin de 1 lak (100.000 Rs, 1785 €) pour le mariage de sa sœur. Et petit à petit, il développe que W., son équivalent dans une autre GH, un pauvre comme lui, peut faire un MBA en hôtellerie grâce au sponsoring d'une européenne (aussi! ajoute-t-il). Tout ça pour ça? Le touriste, c'est un jackpot, à force de tirer sur la manivelle, parfois la timbale tombe. 
 
Qui d'entre nous se chargera de nourrir les affamés?, demanda le seigneur Bouddha à ses disciples, alors que la famine faisait rage à Shravasti. 
Ratnakar, le banquier, dit:" Il faudrait beaucoup plus que ma fortune pour nourrir ceux qui ont faim". 
Jaysen, le chef de l'armée du roi, dit: "Je donnerais joyeusement le sang de ma vie, mais il n'y a pas assez de nourriture dans ma maison". 
Dharampal, qui possédait de grands pâturages, soupira: "Le dieu des vents a desséché mes champs, et je ne sais comment acquitter les impôts du roi". 
Alors Supriya, la fille du mendiant se leva. Elle s'inclina devant tous et dit humblement. "Je nourrirai ces misérables. - Et comment? s'écrièrent-ils tous avec surprise. Comment espères-tu accomplir ton vœu? 
- Je suis la plus pauvre d'entre vous, dit Supriya, et c'est là ma force. Mon trésor et mon abondance, je les trouverai à chacune de vos portes.

                 - Rabrindranath Tagore, " La corbeille de fruit" en introduction de Rajid Rahnema "Quand la misère chasse la pauvreté."

Je suis touchée par la pauvreté des femmes. Mais il est difficile d'entrer en contact avec elles. Les hommes sont dans les shops, dans la rue, partout, mais les femmes, on ne les voit pas et elles ne parlent pas anglais. Le dernier soir, Mère Teresa 2 est à Cochin, une messe est célébrée en sa présence dans l'église de Santa Cruz. La 1ère église catholique d'Inde, San Francis Church, a été bâtie à Cochin en 1500.

Catherine, Cochin, 6 février 2005.


Note 66 Inde/Kérala Les backwaters

07.02.05 Les backwaters du Kérala, juste se laisser glisser au fil de l'eau, un univers serein empreint de poésie où Nabuchodonosor et la reine de Saba se fournissaient en bois précieux et en or. La végétation est foisonnante, omniprésente sur les canaux bordés de bananiers, tamariniers, hibiscus, papayers et cocotiers. 

Je fais deux incursions dans ce labyrinthe aquatique, une apd Cochin, où je monte sur un kettuvalam, un bateau à nœuds, d'anciennes barges à riz que les bateliers font avancer à la force des bras en s'appuyant sur d'immenses perches en bambou. Les planches sont cousues entre elles avec de la corde de coco, il n'y a pas un seul clou. Les embarcations sont rendues étanches en les enduisant d'huile de sardines.

Et une seconde apd Allapey, un des + grands embarcadères de house-boat. Un jour qq a eu l'idée de reconvertir ces kettuvalam en mini-hôtel pour nabab flottant. Ils ont été aménagés d'un toit en coco tressé et d'une terrasse remplie de coussins à la proue et sont loués pour 24h. avec 2 boatmen et un cuisinier. A faire en amoureux. J'opte avec d'autres backpackers pour le bateau de l'office du tourisme (DTPC) qui rejoint Kollam en une journée.

Et doucement sur les berges, la vie des gens, les femmes en sari, les hommes en dhoti (pagne en coton) qui se lavent sans le quitter, des sampans chargés à ras bord de noix de coco, les villages enfouis dans les palmiers, les églises coloniales, un ashram, les ferries qui sillonnent ce réseau d'eau, les aigles, les martin-pêcheurs, les aigrettes.

Pour lire: le livre d'Arudhati Roy, "le Dieu des petits riens"

A Kollam, les dégâts du tsunami sont visibles, il y a eu 170 morts. Pour ma part, je n'irai pas plus au Sud, ni à Pondichéry et à Madras, touchés par la catastrophe. Je pensais encore faire qq étapes jusque Maduraï mais il est temps que je quitte ce pays, je n'ai pas l'énergie pour un Maduraï-duraille.

J'entreprends alors une remontée-traversée de toute l'Inde en train, du Sud à Bombay (26h) et ensuite de Bombay à Calcutta (36h).

Catherine, Allapey, 9 février 2005.


Note 67 Inde/ Bombay

10.02.05 J'avais dans l'idée de prendre un avion avec une Cie low cost comme Deccan airlines et puis tout s'emboîte incroyablement. A Cochin, un train rapide part dans l'heure en direction de Delhi et je peux descendre à Kalian dans la périphérie de Bombay. Mais, je n'ai pas de siège réservé donc ce sera la bétaillère pour 26h. A tout hasard, je vais trouver le manager de la gare qui m'envoie chez le directeur, qui téléphone à la dame des infos qui vient avec moi chez l'inspecteur des tickets qui me trouve une confortable couchette en 3AirCo. Mon voisin est un vieux Mr écrivain qui me montre ses parutions écrites en malayalam (langue du Kérala) et partage du poisson fumé avec moi.

Ladies Only A Kalian, je saute dans un compartiment bondé. Avec mes sacs à dos, je me sens comme une tortue retournée sur le dos. Il n'y a pas de portes, on est accroché(es) aux poignées extérieures, dehors les bidonvilles les + grands d'Asie. Le train s'arrête seulement qq secondes à chaque gare, et c'est le rush sortant et entrant. Il n'y a que des femmes dans ce wagon Ladies Only, des écolières à tresses et des vieilles grand-mère, des pauvres assises par terre avec leurs paniers en osier et des wonder-woman avec leur portable, des musulmanes couvertes de noir et des femmes en sari magnifique, des très belles avec leurs cheveux noirs soyeux si longs. Et elles sont aux petits soins pour moi, il y en a toujours une pour m'aider ... mmm un moment de grâce, une bulle de douceur. 

Bombay est la ville d'Inde qui connaît la + forte croissance économique. Pourtant comment croire que ce développement ait amélioré en quoi que soit le sort des millions de sans-toit venus tenter leur chance dans ce nouvel eldorado du continent indien? Au nom de la modernisation d'une grande métropole, la ville fait l'objet de "nettoyages" radicaux (comme à Calcutta) repoussant les + pauvres hors de la vue des bourgeois et des touristes venus dépenser des devises.

Y A faire: aller au cinéma/ voire avoir un rôle de figurant dans un bon Bollywood (Bombay+Hollywood), ces comédies musicales à l'eau de rose où un moustachu défie les lois des mariages arrangés. 
YYY Un coup de coeur pour Shah Ruk Khan, un des acteurs fétiches bollywoodiens.
¯ la BO de Swades, we the people.

Catherine, le 20 février 2005.


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